Le dernier mouvement de Robert Seethaler
Qui se cache derrière cet immense compositeur qu’est Gustav Mahler? on plonge ici dans les pensées inquiètes d’un homme dans la dernière année de sa vie.
Atteint du streptocoque un virus qu’on guérit de nos jours d’un simple antibiotique, Gustav embarque seul sur un navire. Malade et fiévreux, il relit sa vie: son amour fou pour son épouse Alma, la mort tragique de l’une de ses filles, sa rencontre avec Freud.. on découvre un musicien à la sensibilité débordante et dont l’esprit dépressif ne l’empêche pas d’être aux aguets des sens. Les souvenirs regorgent : la lumière de la Seine quand il est dans l’atelier de Rodin, la mer sombre et acier, les odeurs pourries du port de New York… On referme le livre en ayant envie d’écouter ou re-écouter ses oeuvres, appréciant mieux leur richesse et leur gravité.
Il aura écrit 9 symphonies comme Beethoven. 9 un chiffre symbolique, marque de l’accomplissement final, de l’universel.
“ Emmitouflé dans une chaude couverture de laine, la tête inclinée sur le buste, Gustav Mahler attendait le garçon de cabine dans cette partie du pont supé- rieur de l’Amerika dont on lui avait réservé l’usage exclusif. Une mer grise s’étalait paresseusement dans la lumière de l’aube. L’œil ne distinguait rien, hormis les bancs flottants du goémon qui sinuaient à la surface de l’eau, et une lueur fort curieuse à l’hori- zon, dont le capitaine avait pourtant affirmé qu’elle ne signifiait absolument rien. Assis sur une caisse d’acier, le dos calé à la paroi d’un container du bord, il sentait sous lui le battement sourd et régulier des moteurs du navire. Sur la caisse gisait un rouleau de corde, dont dépassait un crochet de fer. La pointe était rouillée, la corde effrangée, noircie d’huile. On lui avait vanté le parfum de la mer, or elle ne sentait rien. Il n’y avait ici dehors qu’une odeur d’acier et d’huile de machine, et un vent du nord qui ne tournait visiblement jamais. Mahler aimait le vent, il avait l’impression qu’il lui balayait la tête de sottises encombrantes.”