L’instant précis où Monet entre dans l’atelier de Jean-Philippe Toussaint

Dans l’intimité d’un génie de la peinture… Ce texte, d’une beauté fulgurante malgré sa brièveté, vous saisit d’emblée. En quelques pages à peine, l’auteur déploie une écriture savoureuse, fine, picturale, pour capturer les dernières années de Monet à travers une seule image, déclinée en variations sensibles : l’instant précis où Monet entre dans l’atelier.

Tout y est. Les sons feutrés, les vibrations de lumière, l’agencement des lieux – ce chaos organisé de panneaux qui deviendront bientôt les Nymphéas – les gestes, les silences, le tempérament du peintre… On y est. C’est là toute la puissance des mots : ce pouvoir rare de nous transporter, de nous faire ressentir, presque physiquement, la présence du maître.

Un petit bijou de lecture, pour découvrir Monet autrement. Et une furieuse envie, ensuite, de filer à Giverny ou de courir aux Tuileries pour regarder d’un autre œil les nénuphars.

´ L’aube est fraîche, l’air vif picote les joues. Il est un peu plus de six heures et demie du matin, pas un bruit au loin dans la maison endormie qu’on vient de quitter, quelques pépiements d’oiseaux dans le jardin où les arbres sont immobiles comme le silence. C’est un de ces matins du monde comme il y en a tous les jours en Normandie dans les villages que bordent l’Eure et la Seine.´